La thermogenèse conditionne la production d'odeurs

par l'inflorescence de l'Arum maculatum

Le jour de la floraison, dans la soirée, alors que la spathe est déroulée, l'inflorescence de l'Arum maculatum dégage une forte odeur de bouse et attire des moucherons. L'appendice est alors le siège d'une intense production de chaleur.
Quel peut être le rôle de cette phase thermogénétique dans la biologie florale de l'Arum?

Une mesure approximative de la température de l'appendice
Un simple thermomètre, correctement placé, permet d'enregistrer la température approximative de la surface de l'appendice (voir ci-dessous). Ici, les mesures sont effectuées dans la soirée du jour J (ouverture de l'inflorescence). A 19h, la température de l'appendice a probablement atteint sa valeur maximale 29°C alors que la température ambiante est de 18°C. L'écart est de 11°C.

Le cycle thermogénique de l'inflorescence
- La thermographie infrarouge permet d'évaluer la température de la surface des différentes parties de l'inflorescence à n'importe quel moment du développement de la plante. Les radiations IR émises par un objet dépendent de la chaleur de sa surface. On enregistre donc une image de l'inflorescence avec une caméra IR, les données obtenues sont ensuite traitées et transformées en un thermogramme coloré.
Les mesures de température peuvent également être enregistées en continu à l'aide d'un thermocouple.
- Le suivi de l'évolution de la température de la surface de l'appendice et de celle de la chambre florale pendant une période incluant la floraison met en évidence 4 phases de production de chaleur (E. Bermadinger et A.Bermadinger 1995, M. Gibernau et al.2004, K. Ito and al. 2011). La plus intense concerne l'appendice, elle atteint son maximum dans la soirée du jour J d'ouverture de la spathe. Les trois autres entraînent une élévation de quelques degrés seulement de la température de la paroi de la chambre florale et pour chacune d'entre-elles, la thermographie IR permet de localiser la production de chaleur au niveau de la partie mâle du spadice. La première de ces phases a lieu dans la matinée de J-1, la suivante intervient dans la matinée de J et pourrait jouer un rôle dans l'ouverture de la spathe en provoquant un rétrécissement des tissus par déshydratation partielle. La dernière située dans la matinée de J+1, juste avant la libération du pollen, pourrait intervenir dans la déhiscence des anthères. La chaleur produite dans la chambre florale n'est pas impliquée dans l'attaction des pollinisateurs. L'importante phase thermogénique qui a lieu dans l'appendice prend place dans le cycle floral à la période où l'Arum dégage une forte odeur de matières fécales et attire les moucherons. Elle peut contribuer à rendre l'inflorescence attractive pour ces insectes directement ou indirectement.

Rôle de la production de chaleur par l'appendice dans la biologie florale
La courbe proposée ci-dessous a été construite à partir de données publiées par différents auteurs (E. Bermadinger et A.Bermadinger 1995, M. Gibernau et al.2004, K. Ito and al. 2011) et d'observations personnelles. Il s'agit d'une courbe typique qui permet de situer la phase thermogénique principale dans le cycle de floraison de l'Arum. Ici elle dure environ 12h et la température de l'appendice atteint 30°C (+17°C / t° ambiante) dans la soirée du jour J de la floraison. Ces valeurs peuvent varier avec les plantes et les conditions météorologiques. Le pic de chaleur ne se situe pas toujours exactement au même moment dans le cycle de développement de l'inflorescence.
Rq/ Le thermogramme associé à la courbe ci-dessous correspond à une simulation.

- La chaleur produite par l'appendice n'attire pas les moucherons
L'attraction de Psychoda phalaenoides, principal visiteur de l'inflorescence de l'Arum maculatum, par la chaleur a été testée en utilisant des tubes de verre chauffés (10°C au-dessus de la température ambiante) pour simuler des appendices. Les leurres n'ont pas attiré les Diptères (G.C.Kite, 1995)
- La chaleur produite par l'appendice doit favoriser la dispersion de molécules odorantes dans l'environnement.
Survolez l'image ci-dessus pour faire apparaître la période pendant laquelle l'inflorescence dégage une odeur de bouse.
L'appendice est fortement odorant quand il est "chaud". La chaleur qu'il produit doit contribuer à la volatilisation des composés organiques qui constituent le profil d'odeurs de l'Arum.
Parmi les molécules émises, quelques-unes constituent des stimuli attractifs pour certains Diptères en particulier Psychoda phalaenoides.